Qu'est-ce que le parisien écoute pour être au-dessus des autres ?
- FD
- 25 mars 2016
- 7 min de lecture

Platon disait : « si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique », mais OSS117 a un jour rajouté « quand on s'intéresse à une culture, on en apprend la langue ».
Sur ces belles paroles, je ne peux que vous solliciter à donner de l’utilité à votre auriculaire en extrayant l’excès de cérumen de vos canaux auditifs. Vous êtes tout ouïe ? Allons-y.
Tout d’abord, expliquons avec rigueur, comment se décompose la notion de « parisien ».
Commençons par L’ignare
Comment le reconnaître ? C’est tout bêtement le seul qui dansera avec l’exact même frénésie sur du Thom Yorke, du Maître Gims ou du Kanye West. Si vous lui dites qu’il s’agissait des 3 lead-singers des 2be3, il vous répondra avec un semblant de mélancolie « ouais, d’ailleurs trop dommage qu’ils se soient séparés ».
Sa playlist : Bien sûr, ce dernier est incollable sur du Renaud, Balavoine, France Gall, Mylène, Pierre Bachelet, Claude François, Michel Berger ou sur le duo Garou-Céline « Sous le vent ». (L’unique playliste du Globo en somme).
[Alors clairement celui là, ce n’est pas le parisien qui se croit au-dessus des autres, mais il nous est utile comme étalon pour hiérarchiser ceux qui suivent] :
Puis il y a l'average - le parisien qui connaît pas grand chose, qui l’assume (presque) mais qui fait des efforts
L’honnête homme comme j’aime l’appeler : il entend un morceau, et là, tout timide, couarde voire pusillanime, il vous demandera : « elle est sympa cette chanson, c’est laquelle encore ? ». Ce « encore » qui apporte un tel contraste entre sa tête de chien battu, et cet orgueil démesuré qui n’avouera jamais qu’il n’en sait rien. Mais, il n’est pas fourbe, il vous le demande (alors qu’il aurait pu discrètement la shazamer). Et je respecte cet homme, car cet homme voyez-vous, c’est le seul, qui n’aura pas de réserve à dire « ce son, c’est mon pote qui me l’a fait découvrir ». Après, c’est aussi le seul à dire « moi, vois-tu, j’écoute de tout ».
Sa playlist : Two door cinema club, Muse, Yuksek (car ce sont ses groupes préférés), Parov Stelar et Nina Simone (pour son côté crooner), Fakear, Massive Attack ou Portishead (pour un embryon de trip-hop), Laurent Garnier ou the Prodigy (pour le côté techno rave) et un peu de dubstep pour son côté « underground », avec Skrillex. Sans oublier Salut C’est Cool pour son côté fifou et Bon Entendeur pour le côté « je suis désinvolte mais j’ai des fêlures ».
[Donc soyez comme lui, mais ne soyez en aucun cas comme l’énergumène qui suit…]
Le parisien hipster (aka celui qui vous trouvera toujours la fameuse perle chéniiiallle écoute tu verras c’est du nectar, une vraie pépite…)

C’est celui qui vous dira : « moi j’aime pas un artiste, mais j’aime une chanson, une atmosphère, un background, une histoire, voire un bpm… » LMHAO (Laughing My Hasselhoff) --> cf. illustration.
Je traduits : « moi, je pique les musiques des autres telle une sangsue marine d’Amazonie, mais je n’ai pas le temps d’aller chercher les autres sons d’un même artiste, donc je sors une excuse alambiquée en faisant genre, afin de passer pour le fin connaisseur, qui a du caractère, faites moi l’amour ».
Sa méthode ancestrale (ce que vous allez vous empresser de faire une fois l’article terminé) : télécharger les compil’ de NovaTune ou de Kitsuné, puis vous mettre à écouter RadioNova, ensuite acheter un tee-shirt à la Maison Kitsuné dans le Haut-Marais, et pourquoi s’arrêtez là, autant acheter une paire de shoes Faguo eco-responsable ou de Twins for peace, marque qui chausse les enfants des usines de fabrication de ses chaussures, avec… les mêmes chaussures (non, pas de sarcasme derrière, il s’agit réellement du concept).
Sa playlist alternative : Koreless (tout EP), SBTRKT (Trials of the past, right thing to do), Synapson (All in You), Chet Faker (Gold), Alt-J (Breezeblocks), Tame Impala (let it happen), Flume (tous), Four tet (Angel Echoes), Thom Yorke (Atoms for peace), Ratatat (cream on chrome), Foals, Burial, Apparat etc.
Pour le reconnaître : Dans le métro il se trimbale toujours avec un casque audio en bois de chêne/tissu écossais, ou un casque Marshall.
L’insoupçonnable passionné (non exclusif à Paris)
Si vous regardez dans son vieux PC HP Compaq de 2006, vous verrez qu’à l’époque, il avait déjà 50go de musique alors que vous collectionniez vos photos de vacances (de votre Canon 6 méga pixels, une révolution à l’époque) sur le vôtre.
Il est passionné par la musique car il en a compris les vertus les plus basiques et pourtant, les plus insoupçonnées : la musique l’aide à se détendre, se concentrer, s’exciter, danser, se calmer, s’énerver, s’enchanter et se désenchanter, se rappeler, se souvenir, se projeter, s’endormir et se réveiller.
Mais tout ça, vous ne le saurez jamais car il ne le dit à personne. Il entretient paradoxalement un rapport très discret avec la musique. Il en parle avec une louable pudeur et une humble précision.
Sa playslit : On ne peut vraisemblablement en proposer de pertinente dans la mesure où chaque passionné a sa playslist idiosyncratique.
Et enfin, le parisien indie :
[Indie stands for Independant and comes directly from London, donc tout bonnement le mec qui est connu pour écouter des chansons inconnues].
L’indie dans cette classification, c’est un peu la couche N-4 du rêve dans Inception, à savoir les limbes. Parler à un indie, c’est être dans les limbes : 1min réelle de discussion avec lui, équivaut à 1 année de temps perdu et d’épuisement psychologique. (cf. Prochain article sur la relativité du temps et de la valeur, dans la rubrique philosophie).
Il y a 2 types d’indies :
L’indie génie :
Le compositeur, celui qui a l’oreille musicale (lui vous dira « l’oreille absolue » bien sûr), celui qui a le rythme dans la peau, qui arrive à reproduire en battant du doigts sur la table, chaque coups de caisse claire d’un morceau de Tool dès la première écoute, celui qui compose lui-même ses musiques préférées, celui qui apprécie des chanteurs underground d’Islande ou de Papouasie-Nouvelle-Guinée, et j’exagère à peine.
Sa playlist : l’indie rock, l’indie électro, l’indie pop et tout ce qui provient d’indie labels (les labels indépendants, sauf Wati-B bien sûr).
Pour le reconnaître : C’est le seul être au monde capable de vous citer le proverbe danois suivant : « mes yeux et mes oreilles ne se rassasient jamais ». Proverbe auquel il faut se faire un malin plaisir à répondre systématiquement par le proverbe rom suivant : « écoute avec tes oreilles, regarde avec tes yeux, mais tais-toi (s'il-vous-plaîîîît)».
Dans le métro il un casque audio qu’on utilise en temps normal dans un studio d’enregistrement, mais comme c’est un artiste doté d’un esprit créatif surhumain, il doit l’avoir partout, lui.
[Bien sûr, l’insoupçonnable passionné et l’indie, sont des gens difficilement imitables dans la mesure où ils ne cessent de consommer, compléter, remanier, et partager leur répertoire. La musique est une partie fondamentale de leur journée, de leur vie, de leur être, la quintessence même de leur quiétude quotidienne. Pour eux, certaines musiques sont semblables à des flammes voluptueuses brûlant en permanence dans leur délicate épine dorsale, provoquant chez eux des frissons imprévisibles et inarrêtables, des vertus ineffables, exceptée peut-être l’ataraxie, qui fait l’unanimité pour chacune de leurs tracks.]
Le weirdo : l’équivalent du punk à chien chez les clodos finalement
Dès l'âge de 14ans, il vous bassinait avec les sonneries HiFi de son Sony Ericson, alors que vous étiez resté aux polyphoniques du modeste Nokia 3310.
4 ans plus tard, il vous insulte parce que vous utilisez les formats audio mp3 et AAC au lieu d'utiliser sa cam à lui : le WMA et le FLAC.
Aujourd'hui, il revient, plus lourdo que jamais avec ses sons binauraux. (car la musique pour lui, n’est pas une question de battements ou de mélodie, c’est une question de phasage et de déphasage).
[Sons binauraux : 2 sons identiques sont émis, l’un vers l’oreille droite, et l’autre vers l’oreille gauche, avec un très léger décalage de fréquence pour embrouiller votre cerveau. Also known as La drogue auditive].
Dernière chose : J’aurais pu mentionner les pseudo-parisiens-berlinois qui écoutent pas mal de minimale (Deep house, Blog house, Micro house, House jams, Ambient, Acid, avec de la D bien sûr, autrement c’est moins bien t’entends ?), mais aussi les apprentis DJ « sinon tu sais, je mixe de temps en temps dans des bars stylés et parfois en soirée même » avec pour égérie l'emblématique Mickaël Vendetta (le "bogoss") qui mixe tous les jeudis au club la Potinière à Morgat en Bretagne (suivez-le sur facebook, il est prodigieux).
Mais je ne vais pas le faire. Car j’ai administré un questionnaire Google Forms© récemment, et malheureusement ça n’intéresse pas suffisamment de personne. (J’étais choqué).
Pour conclure, voici quelques conseils pour les plus virtuoses d’entre vous :
1er conseil : Vous voulez paraître cool devant vos koupains sans faire trop d’effort ? Chaque année, regardez la programmation du Festival Coachella, TomorrowLand ou Garorock, vous virez les groupes trop mainstream (tels que David Guetta, Stromae, Lykke Li) et ensuite vous écoutez les autres.
2ème conseil : Pour connaître les nouveaux hits des autres pays d’Europe (car il faut avouer que quand vous voyez que le classement Français arbore fièrement Maître Gims, Keen’V et le méga featuring Kendji Girac & Soprano, on peut avoir envie de varier ses sources..), il suffit de changer la langue d’iTunes Store, et vous aurez leurs hits à eux. La puissance de cette méthode est qu’elle vous permet de faire croire à vos amis que vous avez des goûts musicaux très éclectiques et cosmopolites, alors qu’en réalité vous écoutez juste le Matt Pokora de la Finlande ou du Portugal.
3ème conseil : Maintenant je m'adresse à ceux qui pensent écouter déjà des sons psyché-géniaux, ne songez même pas une seconde à récupérer le jack en soirée pour "nous faire découvrir votre nectar fabuleux", car alcoolisé, on peut avoir des réactions assez hostiles s'il ne s'agit pas d'Aisha ou de Balavoine. Dernier avertissement. A « Bon Entendeur... »
Vous l’aurez compris, écouter de la musique, ça peut être « rigolo » pour certains, mais pour d’autres, cela relève de la réaction chimique, psychosomatique voire de l’expérience transcendante entre le Moi et le Surmoi, le conscient et l'inconscient. Ouais enfin..., ils vous le diront de visu comme ils pourraient le dire sur leur profil tinder, donc ne les écoutez que d’une oreille, la sourde oreille de préférence.
Pour finir cet article, je vais à contrecœur imiter une accroche digne de MinuteBuzz, Buzzfil ou Buzzfeed : « Et vous, quel type de parisien êtes-vous ? » ou bien mieux encore « tague un ami parisien que t’auras reconnu xD ».
FD
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